Homélie du 19 décembre 2021 – 4ème dimanche de l’Avent –

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En ce quatrième dimanche de l’Avent, nous cheminons donc avec le prophète Michée. Michée a vécu il y a bien longtemps, au 8e siècle avant Jésus-Christ. Aujourd’hui, les exégètes se demandent si ce passage que nous avons entendu en Première Lecture est vraiment de ce prophète, ou s’il n’a pas été écrit beaucoup plus tard, et rajouté au livre de Michée. Une pratique courante dans la Bible. Le passage de ce jour aurait donc été écrit à une période de doute profond pour le peuple d’Israël : longtemps après le retour d’exil à Babylone, Israël n’a plus de roi. Il souffre de la domination étrangère. Il ne peut pas vivre pleinement sa religion. La promesse attendue d’un roi-messie ne semble pas se réaliser. Dieu a-t’il oublié son peuple ?

Trois petites notes inspirées par la lecture de ce passage, en lien bien sûr avec l’Evangile que nous venons d’entendre.

La première : comme avant lui les trois autres prophètes qui nous ont guidés pendant cet Avent, Jérémie, Baruc, et Sophonie, Michée annonce au peuple un message de consolation et d’encouragement. Il ne s’agit pas de mettre en garde le peuple, de l’appeler à la conversion, comme le fait Jean-Baptiste. Il s‘agit de lui donner des raisons de continuer à espérer en son Dieu et en l’avenir.

C’est bon d’entendre aujourd’hui ce message d’encouragement, quand nous traversons une période très anxiogène, avec la crise sanitaire qui n’en finit pas de faire des vagues, l’incertitude qui traverse nos sociétés écartelées entre les discours identitaires et le devoir d’accueil des migrants, les bruits de botte en Ukraine, aux frontières de l’Europe, l’état de la Maison commune qui mobilise une partie de la jeunesse quand les responsables des nations ne savent répondre que par des engagements bien vagues… Comment ne pas être tentés nous aussi par le découragement, personnel et collectif ?

Ecoutons Michée : « Il se dressera et il sera leur berger. Ils habiteront en sécurité,

et lui-même, il sera la paix ! » Michée reprend à son compte la vieille promesse Elle est toujours d’actualité, annonce-t ’il. Il est tout proche, le roi-Messie, celui là-même que nous accueillerons dans la nuit de Noël.

Avec Michée, accueillons ce message d’espérance pour notre temps.

Ma seconde note nous redira sur quoi nous pouvons fonder cette espérance. Vous avez noté l’adresse au début de la lecture : « Toi, Bethléem Ephrata, c’est de toi que sortira pour moi celui qui doit gouverner Israël ». Détail que n’oublieront pas les scribes de Jérusalem, quand les mages viendront les consulter, pour connaître le chemin de la crèche.

Bien sûr, on sait que Bethléem est la cité d’origine du roi David, le modèle et l’ancêtre du Messie. Mais Bethléem, c’est aussi « le plus petit des clans de Juda ». La voilà, la raison d’espérer : Dieu ne s’appuie jamais sur les forts et les puissants. Il choisit toujours les petits et les faibles pour réaliser ses promesses. « Il renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles ». Vous reconnaissez les paroles de Marie dans le Magnificat : c’est la suite du chant d’action de grâce d’Elisabeth dans l’épisode de la Visitation, que nous avons entendu dans l’Evangile. « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur ».

Pour que vienne la promesse annoncée par les prophètes, Dieu ne se sert pas des puissants et de leur média officiels : il a besoin des petits et des humbles.  Bethléem, le plus petit des clans de Juda. Elisabeth, une femme stérile et déjà âgée. Marie, l’humble servante qui par son oui rend possible l’action de l’Esprit en son sein. « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni ». Et à Noël, Dieu ne choisit pas les dorures des palais mais la paille de la crèche pour venir au milieu des hommes.

Voilà la bonne nouvelle, voilà la raison d’espérer encore dans la grisaille de ce début d’hiver : ne nous laissons pas aveugler par le matraquage des reportages sur les chaînes d’information continue ; ne nous laissons pas assourdir par les discours d’appel à la haine et au rejet de l’autre ; ne nous laissons pas non plus abuser par les illusions d’un avenir radieux assuré uniquement par la technologie, quand il faudra changer nos modes de vie pour partager les ressources limitées de la planète.

Ecoutons plutôt la voix plus discrète des prophètes d’aujourd’hui : ce sera ma troisième note. Car ils sont nombreux, aujourd’hui encore, ceux qui témoignent par leurs paroles et par leurs actes que l’avenir de notre monde n’est pas écrit d’avance par les annonceurs de catastrophes et les prêcheurs de haine.

C’est François, notre vieux pape – il a eu 85 ans ce vendredi – qui vient réveiller notre fraternité assoupie en visitant les camps de réfugiés à Chypre et à Lesbos.

C’est ce prêtre jésuite de 72 ans, Philippe Demeestère, aumônier du Secours Catholique à Calais. Après une grève de la faim de 25 jours, il prend chaque soir sa tente pour aller dormir dans un camp de migrants érythréens. Il y avait un bel article racontant son combat dans La Croix de ce lundi.

Ce sont encore toutes ces personnes engagées dans des associations nombreuses à travers notre pays, confessionnelles ou non. Elles accueillent, accompagnent, alphabétisent, apportent un soutien scolaire ou médical, une aide alimentaire, et surtout leur amitié. A des migrants, à des sans-abris, à des familles Roms, à des personnes âgées, isolées. Nous en connaissons, autour de nous

Ce sont aussi celles et ceux qui cherchent à vivre plus sobrement, répondant à l’appel à la conversion écologique. J’en rencontre régulièrement, chaque fois que j’interviens dans une paroisse, un mouvement d’église, pour parler du label Eglise Verte ou aider à approfondir l’encyclique Laudato si’.

Autant de signes, de gestes, qui ne font que rarement le buzz sur les réseaux sociaux… comme ne le faisaient ni Bethléem au temps de Michée, ni Elisabeth et Marie quand la jeune cousine est venue assister la vielle femme à la fin de sa grossesse. Mais dans le ventre des deux femmes enceintes, c’est bien le salut du monde qui se prépare, c’est bien le Royaume de Dieu qui s’apprête à surgir sur les chemins de Galilée et de Judée. Et qui continue à se construire, loin du battage médiatique, dans chacun de nos actes de fraternité.

A quelques jours de Noël, écoutons encore le message d’espérance que nous adresse le pape François à la fin de Laudato si’ :  « Au cœur de ce monde, le Seigneur de la vie qui nous aime tant, continue d’être présent. Il ne nous abandonne pas, il ne nous laisse pas seuls, parce qu’il s’est définitivement uni à notre terre, et son amour nous porte toujours à trouver de nouveaux chemins. Loué soit-il. »

Oui, aujourd’hui comme au temps du prophète Michée, ne cédons pas à la tentation du découragement. Le Seigneur est tout proche. Il vient.

« Il sera la paix ».

AMEN

Loïc LAINE, diacre

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