« Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ? »
C’est dans le cadre de la Pâque juive que Jésus célèbre son dernier repas. Et les textes de la liturgie de la fête de ce jour nous plongent dans l’ambiance de la Pâque juive. Ils nous aident à mieux comprendre aussi la radicale nouveauté apportée par Jésus. Imaginons l’ambiance de Jérusalem, au soir précédant la Pâque : chaque famille s’était rassemblée pour immoler un agneau, en mémoire de la libération de l’esclavage en Egypte. En mémoire aussi de cette alliance célébrée par Moïse au pied du Sinaï, qui est rapportée dans la première lecture. Offrir des holocaustes, immoler des taureaux, asperger le peuple de leur sang : autant de gestes qui ne nous parlent guère, aujourd’hui. Mais qui dans ces temps reculés de l’histoire juive, 1300 ans avant la naissance du Christ, plus de 3000 ans d’écart avec nous, ces gestes avaient un sens profond : une façon de signer un traité de paix entre deux peuples, de contracter Alliance avec le Dieu qui avait libéré Israël. Et la tradition du sacrifice a longtemps perduré dans la religion juive, en signe de fidélité à l’Alliance avec son Dieu : n’oublions pas que le Temple de Jérusalem avait des allures de grande boucherie. Prêtres et lévites, ces serviteurs mis à l’écart du peuple pour le culte, étaient d’abord des sacrificateurs. Mais Jésus est venu bousculer tout cela, et pas seulement en chassant les marchands du Temple, dont l’office était précisément de fournir aux pèlerins les animaux à offrir en sacrifice.
Avec Jésus donc, plus besoin de sacrifices et de sang : c’est ce que nous rappelle la seconde lecture, la Lettre aux Hébreux, dont le vocabulaire peut nous sembler bien éloigné de nos préoccupations. Mais qui parle aux auditeurs à qui elle est adressée, ces juifs convertis, beaucoup plus familiers que nous du Temple et de ses rites. « Le Christ est venu, grand prêtre des biens à venir. Il s’est offert lui-même à Dieu comme une victime sans défaut ». Jésus inaugure par sa mort et sa résurrection la nouvelle Alliance, la libération définitive de tous les esclavages, non plus seulement celui d’Egypte, mais celui du péché et de la mort. Voilà ce que nous avons célébré à Pâques. Voilà ce que nous rappelle aujourd’hui la fête du Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ.
Une fête qui a succédé à la vieille Fête-Dieu, qui datait du Moyen-Age. Avec les processions eucharistiques, les bannières, les reposoirs et les ostensoirs, la Fête-Dieu invitait à l’adoration en l’hostie de la présence réelle du Christ. Depuis le concile Vatican II, par la fête du Saint Sacrement, l’Eglise préfère aujourd’hui nous inciter à approfondir le sens de l’Eucharistie et sa place dans notre vie « C’est le centre vital de l’univers, le foyer débordant d’amour et de vie inépuisables. Uni au Fils incarné, présent dans l’Eucharistie, tout le cosmos rend grâce à Dieu », affirme le pape François dans son encyclique Laudato si’ (n° 236).
« Prenez, ceci est mon Corps ». « Ceci est mon Sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude ». Nous allons entendre à nouveau ces paroles du Christ, comme à chaque messe, quand le prêtre prend sur l’autel les espèces du pain et du vin, qui deviendront par l’Esprit Corps et Sang de notre Seigneur. Nous les recevrons ensuite dans la communion.
Nous avons expérimenté ces derniers mois combien l’Eucharistie était précieuse pour nourrir notre foi, quand nous en avons été privés pendant les longues semaines de confinement. Ecoutons encore le pape François, dans son homélie pour la fête du Saint sacrement, l’année dernière. L’Italie sortait à peine de la très douloureuse première vague de la pandémie. « Jésus nous a demandé : « Faites cela en mémoire de moi ». Faites : l’Eucharistie n’est pas un simple souvenir, c’est un fait : c’est la Pâques du Seigneur qui revit pour nous. Dans la Messe, la mort et la résurrection de Jésus sont devant nous. Faites cela en mémoire de moi : réunissez-vous et comme communauté, comme peuple, comme famille, célébrez l’Eucharistie pour vous rappeler de moi. Nous ne pouvons pas nous en passer, c’est le mémorial de Dieu. Et il guérit notre mémoire blessée ».
Quand nous vivons cette rencontre intime avec notre Dieu dans l’Eucharistie, prenons le temps de nous laisser guérir et transformer par Lui. Ecoutons encore le pape François : « Jésus fait ainsi, en venant à notre rencontre avec douceur, dans la fragilité désarmante de l’Hostie ; Jésus fait ainsi, Pain rompu pour briser les coques de nos égoïsmes ; Jésus fait ainsi, lui qui se donne pour nous dire que c’est seulement en nous ouvrant que nous nous libérons des blocages intérieurs, des paralysies du cœur ». Et François continue : « L’Eucharistie éteint en nous la faim des choses et allume le désir de servir. Elle nous rappelle que nous ne sommes pas seulement des bouches à nourrir, mais aussi ses mains pour nourrir le prochain ».
Quand tu reçois dans ta chair et dans ton cœur l’amour du Christ-Eucharistie, Jésus t’invite à sa suite à te livrer comme lui par amour pour tes frères. Bien sûr, pas à rechercher le martyre. Même si je n’oublie pas qu’aujourd’hui encore des frères chrétiens versent leur sang à cause du nom du Christ. Pour nous, sans doute, l’appel est moins radical et moins violent, mais pas moins exigeant : c’est donner chaque jour son temps, son énergie, ses compétences, son amitié, pour faire vivre l’Eglise, pour servir nos frères… Je cite encore le pape : « Il est urgent maintenant de prendre soin de celui qui a faim de nourriture et de dignité, de celui qui ne travaille pas et peine à aller de l’avant. Et le faire d’une manière concrète, comme concret est le Pain que Jésus nous donne. Il faut une proximité réelle, il faut de vraies chaînes de solidarité ».
J’emprunte la conclusion à notre pape : « Jésus dans l’Eucharistie se fait proche de nous : ne laissons pas seul celui qui nous est proche ! »
Amen
Loïc LAINE, diacre
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