Homélie du 4e dimanche de Temps ordinaire (Année B)
L’Evangile d’aujourd’hui nous parle de la différence entre pouvoir et autorité. Du côté du pouvoir,nous trouvons les scribes. Ce sont des spécialistes de la Loi : ils en donnent l’interprétation officielle.
Pour ce faire, ils s’appuient sur ce que des maîtres ont dit avant eux. Leur parole est catégorique. Si je consulte un scribe pour savoir ce que je dois faire dans telle ou telle situation, il m’est difficile de ne pas suivre ses consignes. Au contraire, Jésus n’a pas cette position officielle quand il donne son enseignement. Mais, écrit Marc, « on était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes. »
D’où lui vient cette autorité ? Elle lui vient du fait que Jésus vit ce qu’il dit. Ses actes montrent la vérité de ses paroles. C’est l’autorité de la vérité. Un jour, Jésus critique justement les scribes et les pharisiens sur ce point : « Tout ce qu’ils peuvent vous dire, faites-le et observez-le. Mais n’agissez pas d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas. » Autrement dit, leur enseignement qui s’appuie sur la Tradition est juste, mais ils ne le respectent pas. L’autorité de Jésus vient aussi du fait que ses paroles ont un vrai pouvoir de libération, comme le symbolise l’exorcisme. Au contraire, les scribes utilisent leur place officielle pour contrôler : « Ils attachent de pesants fardeaux, difficiles à porter, et ils en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt », dit encore Jésus dans l’Evangile de Matthieu. Ils se servent aussi de leur fonction officielle dans leur propre intérêt. «Méfiezvous des scribes, qui tiennent à se promener en vêtements d’apparat et qui aiment les salutations sur les places publiques, les sièges d’honneur dans les synagogues, et les places d’honneur dans les dîners », dit Jésus à une autre occasion. Bref, les scribes abusent de leur pouvoir.
Comme on a vu, dans l’Eglise, ces abus de pouvoir qui ont conduit au harcèlement et à des abus sexuels. Ce qui semble contredire ce qu’écrit Paul aux Corinthiens : « Celui qui n’est pas marié a le souci des affaires du Seigneur. » Ici, Paul décrit l’idéal : si on est consacré à Dieu, tout ce que l’on fait devrait être orienté vers lui. Mais le souci des affaires du monde -prestige, possession matérielle, pouvoir- peut gagner même des personnes dont la vie est normalement consacrée à Dieu. Comme les scribes, à l’époque de Jésus ; comme des cardinaux, des religieux, à notre époque. Mais l’abus de pouvoir ne concerne évidemment pas seulement des consacrés. En réalité, la question se pose pour toute personne en situation de responsabilité : parents par rapport aux enfants, enseignant par rapport aux élèves, directeur par rapport aux subalternes, laïc en mission par rapport aux bénévoles d’une paroisse, etc.
En revanche, ce que Paul décrit, les gens le voient chez Jésus ; d’où l’autorité qui se dégage de lui. La preuve que Jésus ne cherche pas à se servir de son autorité ? Il impose le silence à l’esprit impur. L’esprit veut divulguer l’identité de Jésus parce qu’il veut justement le tenter, comme il l’a fait dans le désert ; il veut que Jésus tombe dans l’abus de pouvoir. Et ce serait facile. Après cet enseignement et cet exorcisme, si les gens apprenaient que Jésus est le Saint de Dieu, c’est-à-dire l’homme qui est, par excellence, consacré à Dieu, alors ils se soumettraient à son pouvoir… par peur.
« On était frappé par son enseignement », écrit Marc. En grec, c’est plutôt « saisi ». Cela exprime un sentiment très puissant. A l’époque de Jésus, les rois exercent leur pouvoir de manière arbitraire et violente. C’est aussi ce qu’on pense de Dieu. Et donc les gens ne pourraient pas envisager que l’homme de Dieu exerce son pouvoir différemment et auraient peur de lui. Or Jésus ne veut pas d’un peuple soumis par la peur. Encore une fois, il vient nous délivrer de toute forme de mal.
Il existe un autre risque. Comme on l’a entendu en première lecture, Dieu annonce à Moïse la venue d’un grand prophète. Si les gens croient que Jésus est ce grand prophète, ils pourraient vouloir faire de lui leur nouveau roi, leur nouveau chef politique. Ce n’est pas ce que recherche Jésus. Mieux vaut donc, pour l’instant, passer pour un bon enseignant et un grand guérisseur. Car Jésus, bien qu’il soit effectivement le Saint de Dieu, n’est pas venu pour dominer mais pour servir. Voilà la règle pour exercer une responsabilité avec autorité sans risquer de tomber dans l’abus de pouvoir : exercer cette fonction en se considérant comme le serviteur des gens dont on est responsable.
Mais, en fait, on peut étendre cette règle à toute relation car toute relation –même entre conjoints, entre amis ou entre collègues- est susceptible de tourner au rapport de force. Dès que des opinions divergent, comme c’est le cas actuellement sur la situation sanitaire, on cherche à avoir raison, à soumettre l’autre. Au contraire, les gens de la synagogue reconnaissent l’autorité de Jésus parce qu’il ne cherche pas à établir un rapport de force. Jésus a de l’autorité parce qu’il est libre et qu’il veut rendre libre. Alors les gens perçoivent la vérité de son enseignement. Ce qui renforce l’autorité de Jésus. Si cette liberté règne dans nos relations, il est plus facile de reconnaître l’autorité de celui qui est dans la vérité. En n’oubliant pas toutefois que s’il peut nous arriver d’être parfois dans la vérité, le seul qui incarne la Vérité, c’est le Christ. Amen.
Vincent Cormier
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