Homélie du dimanche 17 janvier 2021

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2ème dimanche du Temps Ordinaire, année B / 17-01-2021

1 Sa 3, 3..19 / Ps 39 / 1 Co 6, 13-20 / Jn 1, 35-42

« Que cherchez-vous ? »

Voilà bien une question qui depuis le fin fond de l’Histoire, habite le cœur de l’homme, que ce soit conscient ou non ; puisqu’au fondement de notre humanité, nous sommes des êtres de désirs, aspirant de toute nos forces à être heureux. L’homme s’interroge… comment, par quels moyens, en quelles entreprises accéder au bonheur… ?

« Que cherchez-vous ? »

Voilà bien une question qui se pose avec davantage de véhémence, en ces jours où nous sommes plongés dans une crise sanitaire et toutes ses conséquences qui semble apporter un sacré coup à notre moral.

Tant de choses sont remises en question ; tant de projets sont remis à plus tard. Inévitablement, nous sommes conduits à réévaluer ce qui a de l’importance et ce qui en a moins. Ce qui est essentiel… et non essentiel

« Que cherchez-vous ? »

André et l’autre disciple sont interrogés par Jésus. Ils répondent par une autre question : maitre, « où demeures-tu ? ». Jésus les invite à venir avec lui ; « ils virent où il demeurait et ils restèrent auprès de lui ce jour-là ».

Ce que vivent André et l’autre disciple ce jour-là veut nous aider à appréhender du mieux possible la période où nous sommes. Pour nous-mêmes et pour nos contemporains. Je repère trois choses.

La première, c’est le bouleversement que constitue cette rencontre. André et l’autre disciple restent avec Jésus quelques heures. Le lendemain, André va voir son frère Pierre et lui dit « nous avons trouvé le Messie ». Et il l’emmène à Jésus.

Qu’a-t-il pu bien se passer pendant ces quelques heures pour qu’à la sortie, André soit ainsi bouleversé et capable de dire une chose pareille – « nous avons trouvé le Messie ».

Jésus était-il un beau parleur ? Comment a-t-il saisi leur cœur. Saint Jean ne le dit pas. Ce que je pressens, c’est que ce ne sont pas tant ses paroles qui l’on touché, mais sa manière d’être ; son regard ; son attention à André.

A y réfléchir, les personnes auxquelles nous portons une grande estime ne sont pas tant celles qui brassent des belles idées ou qui ont une vie sans aspérité. Mais des personnes bienveillantes, qui avec délicatesse ont été, pour nous, des doux, des miséricordieux, des cœurs purs, des artisans de paix…

Aujourd’hui encore, en ces temps de crise sanitaire, pour nous-mêmes, pour nos contemporains aussi, Jésus est celui qui porte son regard bienveillant sur notre existence.

La première question de Jésus est « que cherchez-vous ». A l’autre bout de l’évangile, après la résurrection, au tombeau vide, Marie Madeleine est en pleurs. Jésus l’interroge : « qui cherches-tu ? ».

Voilà le chemin sur lequel veut nous mener l’évangile : passer de l’expression de nos désirs à la désignation de celui qui vient combler ses désirs, Jésus. Nous avons soif de bonheur. Jésus seul peut nous y introduire.

« Que cherchez-vous » ?

André et l’autre disciple – qui n’a pas de nom ; qui peut être chacun d’entre nous – sont bouleversés par une rencontre.

L’essentiel de notre expérience humaine se situe là. Notre cœur est fait pour la relation.

De « vraies relations » ; en chair et en os, qui passent par notre corps – et c’est pour cela que nous avons beaucoup de mal avec le confinement, les masques, les écrans, les sessions zoom ou autre WhatsApp.

Nous sommes faits de chair et de sang. Notre corps a une bonté, une dignité manifestée tout à la fois par l’incarnation – Dieu s’est fait chair – et la résurrection – Jésus ressuscite avec un corps. Et cette conséquence, pour nous, affirmée par Saint Paul dans la deuxième lecture : « votre corps est un sanctuaire de l’Esprit Saint ».

Les confinements successifs et les contraintes liées à la crise sanitaire nous conduisent à moins de relations concrètes mais davantage de contacts numériques

A travers ces expériences, nous pressentons ce qui nous humanise, nous rend heureux et au contraire ce qui nous fatigue et nous laisse insatisfaits

Apprenons de cette expérience à prendre soin de nos relations humaines. Dans tous nos travaux ; toutes nos tâches ; toutes nos entreprises, nous pressentons peut-être un peu mieux que ce qui compte est la qualité d’une relation plutôt ce qu’il y a à faire.

Avoir des relations vraiment humaines est exigeant et demande du temps ; d’être patient, de tisser des fils.

Elle passe par le regard. C’est incroyable la place du regard dans l’évangile de ce jour : Jean Baptiste « pose son regard sur Jésus », avant de dire « Voici l’agneau de Dieu ». A la question de deux disciples à Jésus – « Maitre, ou demeures-tu ? » – Jésus leur répond : « venez et vous verrez ». « Ils allèrent donc et ils virent où il demeurait ». Quand André amène Pierre, à Jésus, Jean raconte : « Jésus posa son regard sur lui ».

La grande tentation de notre époque, c’est de faire trop de choses à la fois. Nous regardons notre téléphone portable en même temps que nous écoutons d’une oreille distraite une personne qui nous parle et que l’autre, nous écoutons la radio…

Comme il est difficile d’écouter et de regarder posément un interlocuteur. Mon petit neveu, Timéo m’a aidé à mieux comprendre cela. Son papa, mon petit frère qui est sourd profond. Son épouse aussi, mais leurs ainés ne sont pas sourds. Lorsque Timéo doit « écouter » ses parents, qui lui parlent en langage des signes, celui-ci est très attentif à son papa ou sa maman. Concentré sur eux. Il les regarde en même temps qu’il les écoute. En observant Timéo, j’ai appris à mieux regarder les personnes en même temps que j’essaye de les écouter.

Apprenons à écouter et à regarder… même si cela prend plus de temps…

C’est vrai en toutes circonstances. C’est vrai dans le processus de rapprochement de communautés chrétiennes comme vous le vivez avec Orvault. Pour reprendre une idée chère au pape François : « le temps est supérieur à l’espace ».

« Que cherchez-vous ? ». Un troisième enseignement tiré de l’évangile.

Jésus répond aux deux disciples : « Venez et vous verrez ». Jésus appelle. Comme le Seigneur appelle le petit Samuel dans le temple à Silo. Samuel accourt et dit « me voici ». André et l’autre disciples suivent Jésus.

En les observant ce matin, nous nous souvenons que notre existence chrétienne est comprise comme la réponse à un appel. Toute vie est vocation – du verbe « vocare », « appeler ». Il y a notre vocation fondamentale – l’appel à la sainteté. Il y a les appels du Seigneur, chaque jour, auxquels il nous faut être attentif.

Tout au long de notre vie, nous répondons à des appels incessants ; un appel à quitter une chose pour une autre, n’ayant nul lieu où nous reposer.

La volonté de Dieu sur nous est évolutive. Dieu, en fonction des circonstances, de notre histoire, des besoins de nos frères, peut nous demander demain ce qu’il ne nous demande pas aujourd’hui. Au point qu’il nous faut « entretenir l’inquiétude, orientée et paisible, mais éveillée, d’une volonté vivante et progressive » (P. Yves de Montcheuil)

Samuel court vers Elie et lui dit « tu m’as appelé, me voici »… André et l’autre disciple suivent Jésus. Je perçois trois exigences pour être fidèle à notre appel… une obéissance – dans le sens d’une attention à la volonté de Dieu, une confiance – une affection – dans le sens d’une attirance – et une disponibilité. Bientôt, ils quitteront leurs filets pour devenir pêcheurs d’hommes.

De même, Abraham fut appelé à quitter sa maison. Pierre ses filets, Mathieu, son bureau de douane, Elisée sa ferme, Nathanaël son figuier…

Frères et sœurs, que cherchez-vous ? Le bonheur.

Dans l’attention à l’appel que Dieu vous adresse ; dans le compagnonnage avec le Christ ; dans l’attention à la qualité de vos relations en toute chose, vous trouverez la joie profonde.

Celle qui conduit André à aller chercher son frère.

Celle qui veut nous conduire aux périphéries de ce monde pour dire à d’autres : « nous avons trouvé le Messie ».

Amen.

Père Sébastien de Groulard, Vicaire Général

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