Homélie du Dimanche 23 août 2020

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Jésus avait sans doute besoin de savoir comment il était perçu parmi la population de Palestine, et comment elle recevait son message. Aussi entreprend-il un sondage près des apôtres en leur posant la question : « Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ? » La réponse vient sans tarder : pour les uns, Jean-Baptiste, pour d’autres, Elie, pour d’autres, Jérémie ou l’un des prophètes ». Mais Jésus ne se contente pas de ces réponses, car il ne cherche pas tant à savoir ce qu’on pense de sa personne, que de pousser ses apôtres à professer leur foi en lui. Et, c’est Simon-Pierre, comme d’habitude, qui se lance : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ».

Pourtant, il venait de recevoir une leçon quand il s’est mis à marcher sur les eaux. Le Christ ne lui a-t-il pas dit : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ». Et là, il le déclare « heureux » car c’est son Père qui lui a révélé cela. Peu de temps après, se croyant tout permis, voilà que Pierre se met à vouloir raisonner Jésus en lui déconseillant de se rendre à Jérusalem, la ville où on tue les prophètes (ce sera l’évangile de dimanche prochain). Mais là Pierre se plante magistralement et reçois de la part de Jésus, ce reproche terrible  : « Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute : « tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ».

Pour bien comprendre l’enjeu de cet épisode évangélique qui nous est offert dans ce 21 ème dimanche ordinaire, il est nécessaire de ne pas oublier que Matthieu écrit après la mort et la résurrection de Jésus, et après plusieurs années où il ne s’est rien passé : les disciples s’étant dispersés et cachés à cause des persécutions. C’était le temps de la « diaspora ». Et c’est Pierre qui a été l’initiateur du regroupement. Au moment où Matthieu écrit son évangile, à Antioche de Syrie, probablement, les phrases de Jésus prennent un relief tout à fait particulier. En fin de compte, malgré toutes ses limites et ses faiblesses que dévoilent les évangiles, Pierre a joué un rôle de premier plan dans la communauté chrétienne d’Antioche. Fréquentant les chrétiens venus du judaïsme (étant Juif lui-même), aussi bien que ceux issus du paganisme, il a contribué à rapprocher les différents points de vue. Il a travaillé à l’unité de l’Eglise. C’est pourquoi la tradition catholique fait de lui le premier responsable de l’Eglise universelle.

Finalement, Pierre n’était pas que  cet homme intrépide, téméraire ou trouillard comme il est décrit  dans les évangiles.  Jésus voit juste en faisant de lui la pierre sur laquelle il a construit son Eglise.

Il faut dire que la profession de foi de Pierre n’est pas banale : « Tu es le Messie » : Le Messie, c’était un titre que Jésus redoutait le plus, car il ne voulait pas qu’on le prenne pour celui qui pourrait chasser les Romains de Palestine, pour y devenir Roi. Mais Pierre n’en reste pas à ce titre. Il ajoute « tu es le Fils du Dieu vivant ».

Voilà une expression complètement impossible pour tout bon Juif, mais aussi pour tout Musulman, comme pour tout croyant du reste. Pour quelqu’un qui a découvert Dieu, qui en reçoit la révélation comme d’un vivant entièrement différent des hommes, et de toute  autre créature, transcendant, absolu, éternel, il est impensable que ce Dieu-là puisse se faire homme. C’est précisément sur cet impensable-là que vient se greffer la foi chrétienne.

Tout aussi impensable que le fut, pour le vieux couple Abraham – Sarah, la promesse d’avoir un fils, tout aussi impensable que pour un père l’appel à immoler son fils unique, tout aussi impensable que de traverser la Mer Route à pied sec etc. et c’est toute l’histoire de la Bible.

Devant cet impensable, le croyant vrai, le vrai chrétien, accueille pourtant la parole qui annonce ou demande de croire l’impensable. Il l’accueille uniquement parce que, plus puissant que l’impensable, il découvre la force en lui de faire confiance à celui pour qui tout est possible. Car c’est cela la foi : croire que rien n’est impossible à Dieu.

Eh bien, c’est tout à fait la démarche de Pierre. Et c’est parce qu’il est un homme profondément croyant, attaché fortement à la personne de Jésus, lui faisant une confiance absolue, qu’il a été choisi par lui comme détenteur des clefs du Royaume des cieux, par lequel tout ce qui sera lié sur la terre, sera lié dans les cieux, et tout ce qui sera délié sur la terre, sera délié dans les cieux.  

Ce n’est pas sur ses compétences que Jésus se base pour choisir Pierre. C’est sur sa foi et sa capacité à faire confiance, sur son audace à miser toute son existence sur l’impensable.

Quel message pour nous, chrétiens du XXIème siècle, aux prises à la tentation du repli, du doute et de la suffisance ?

Peut-être un appel : un appel à nous appuyer sur le vrai de la vie, c’est-à-dire sur la vérité de chaque personne, comme l’a fait le Christ vis-à-vis de Pierre ? Ne sommes-nous pas trop prisonniers de ce qui se voit, du paraître ? L’homme regarde l’apparence, Dieu regarde le cœur ! Savons-nous accueillir l’impensable dans notre vie ?

Et si, en sortant de la messe, on nous interviewait en nous posant la question que Jésus a posé à ses disciples : « Pour vous, qui suis-je ? » Quelle serait notre réponse ?

Eh bien, en attendant d’être sur le parvis de l’église, justement, maintenant, profession notre foi, la foi de toute l’Eglise.

Je crois en Dieu le Père Tout-puissant … 

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