Homélie du 7ème Dimanche de Pâques – Dimanche 24 mai 2020

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L’évangéliste st Jean que nous lisons en ce temps de Pâques est très différent des 3 autres synoptiques : st Matthieu, st Marc et st Jean. Moins narratif, Jean mêle sa réflexion personnelle aux souvenirs qu’il garde de ses 3 ans passés avec Jésus. Son message est d’une remarquable profondeur spirituelle, mais les mots qu’il utilise nous prennent souvent à contrepied. Pour bien entrer dans la méditation de Jean il est donc nécessaire de retranscrire dans notre culture occidentale du XXIème siècle, les expressions qu’il emploie couramment.

Le mot « gloire »  : « Père, glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie ».

C’est le mot clef de cette partie de la prière prononcée par Jésus, qui s’apprête à subir l’épreuve de la Passion. Jean l’emploie 5 fois. Il supplie son Père de le glorifier, pas d’une gloire spectacle, à la manière des réussites humaines, limitées et éphémères.  

Si on reste à la signification courante de ce mot, on est complètement à côté de ce que saint Jean veut exprimer. Nous avons du mal à comprendre ce mot biblique ! Nous sommes tellement saturés de gloire humaine, de gloriole, de tape-à-l’œil, surtout dans notre monde hyper médiatique, obsédé par le paraître et les signes extérieurs.

Dans l’esprit de saint Jean, la gloire désigne la densité, la valeur profonde de quelqu’un, ce qui concerne son être profond. Dans la mentalité  biblique, glorifier une personne, c’est reconnaître ce qu’elle est vraiment, c’est la respecter, l’honorer en conséquence. En demandant à son Père de le glorifier, Jésus anticipe sa victoire sur les forces du Mal acquise par sa résurrection. Il lui demande simplement de reconnaître en lui, ce qu’il a lui-même voulu réaliser en prenant la condition humaine. Dans le même temps, Jésus étant reconnu pour ce qu’il est vraiment, peut à son tour reconnaître en son Père, la source ce qu’il est lui-même.

La « vie éternelle » : « ainsi il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui a donnés ».

Il est beaucoup question de vie éternelle dans la Parole de Dieu et dans la prière de l’Eglise. Mais la vie éternelle, c’est quoi exactement ? A vrai dire, nous sommes bien empruntés pour répondre à cette question. Nous ne savons pas ce qu’est l’éternité. Nous n’en avons aucune expérience. Nous sommes plantés là, immergés dans le temps. Nous essayons de définir l’éternité en disant qu’elle est une durée sans commencement ni fin. Mais dans ce cas, le mot « durée », n’a plus de sens ! La vie éternelle, c’est « pour après la mort » disons-nous. Mais pour certains, c’est une pure hypothèse, pratiquement une supercherie, pour faire avaler les épreuves de notre histoire, et promettre à bon compte des lendemains qui chantent ! Alors que veut dire saint Jean ?  Quand il parle de vie éternelle, il parle en fait du présent. C’est typique dans sa théologie : pour lui, la vie éternelle commence déjà sur la terre. Elle  consiste à « connaître le seul vrai Dieu et son envoyé, Jésus-Christ ». Ainsi, les femmes et les hommes qui entrent dans la connaissance du vrai Dieu et de son envoyé Jésus-Christ, qui reconnaissent que Jésus est l’envoyé du Père, appartiennent déjà à Jésus, car ils ont « reçu » les paroles du Père, transmises par  lui.

« Connaître » : ils ont reconnu que je suis sorti de toi ».

Connaître, voilà encore un mot piégé. Pour nous, Occidentaux, connaître est un acte de la raison. Pour l’homme biblique, le siège de la connaissance n’est pas le cerveau,  mais le cœur. C’est du reste la manière habituelle de penser des Orientaux. Pour la Bible, la vraie connaissance est au moins autant affaire affective qu’effort intellectuel. Elle se rapproche plus de la connaissance intérieure, intuitive, d’une maman  pour son enfant , que de la science du savant. Connaître, c’est vraiment une façon d’aimer.  La connaissance, c’est aussi une « co-naissance » : naissance avec l’autre, dans une communion affectueuse. Alors la vie éternelle devient accueil de l’amour que le Père nous donne par Jésus. Elle n’est certainement pas une évasion, une fuite au-delà de notre vie de maintenant. Elle est union, communion de plus en plus intense avec Jésus pour que notre vie de tous les jours prennent couleur de l’Evangile.

Et cela s’accomplit au plus haut degré dans l’Eucharistie, où nous sommes invités à faire corps en Eglise, avec le Christ. Ce dont il est question dans la messe, c’est d’une rencontre avec quelqu’un qui nous aime et qu’on a envie de rencontrer. Cette période de risque de contagion au coronavirus, qui prive les chrétiens de l’Eucharistie avec toute la communauté paroissiale est une épreuve. Ce sera une grande joie pour tous de pouvoir nous retrouver tous ensemble et nous nourrir du corps du Christ.

En attendant ce jour qui devrait bientôt venir, demandons à l’Esprit-Saint de nous préparer à l’accueillir dans huit jours, à la fête de la Pentecôte.
                                                                                                       Jean-Yves Lecamp.
       

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