Homélie du 5ème Dimanche de Pâques – 10 Mai 2020

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Après avoir lavé les pieds de ses disciples, la veille du jour où il devait mourir, Jésus leur adresse un discours d’adieu. Il commence par les encourager : « que votre cœur ne soit pas bouleversé ; vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi ».

Jésus sent bien que ce qu’il va commencer à subir ce soir-là, à savoir son agonie au jardin du mont des Oliviers et son arrestation par les soldats, va les mettre dans un grand désarroi. Il les invite à tenir bon : « c’est vrai, dans quelques jours, vous ne me verrez plus mais ce n’est pas pour cela que je vous abandonnerai ; je pars pour préparer une place près de mon Père ».

Tout être humain a besoin de contacts pour alimenter ses liens avec celles et ceux qu’il aime. La relation, elle se manifeste d’une manière sensible à travers les cinq sens pour alimenter son attachement à quelqu’un, la personne humaine a besoin de le voir, de le sentir et goûter sa présence, d’entendre sa voix, de le toucher. Les professionnels de l’accouchement le savent bien : l’enfant, à peine né, est posé sur le corps de la maman pour qu’il puisse la repérer à son odeur et ainsi être sécurisé.

Ce qui a été terrible dans cette période de confinement, c’est de priver les personnes en EHPAD du contact avec leurs enfants et petits-enfants ; les voir à travers un écran n’a pas compensé cette absence de contact physique, de baiser, de caresse, de tendresse.

Pour les personnes en prison, la suppression des parloirs a été aussi, pour elles, un sujet d’incompréhension, voire de révolte. On leur enlevait ainsi tout ce qui leur restait d’humanité. Tous, pendant cette période, ont souffert du manque de contact. La distanciation sociale n’est pas naturelle, ce qui explique aussi combien est difficile le travail du deuil d’une personne que nous avons aimée. Son absence est difficile à assumer ; nous ne pouvons plus lui manifester d’une manière sensible notre attachement et notre tendresse. Il faut du temps pour instaurer un nouveau type de relation.

Jésus pressent bien l’angoisse de ses apôtres. Il veut les prémunir avant que l’épreuve n’arrive, en leur promettant son retour. Mais, malgré ses précautions, Thomas et Philippe ne peuvent s’empêcher d’exprimer leurs questions : « nous ne savons pas où tu vas ; comment pourrions-nous connaître le chemin ? Montre-nous le Père dont tu nous parles si souvent et que tu vas rejoindre, cela nous suffit ».
« Moi, je suis le chemin, la vérité et la vie. Celui qui m’a vu a vu le Père » leur répond Jésus. Parole bien mystérieuse que les apôtres méditeront souvent et qu’ils comprendront vraiment à la venue de l’Esprit Saint à la Pentecôte.

Quand nous lisons les paroles de Pierre, comme celles qui paraissent dans la deuxième lecture de ce dimanche, nous nous disons : quelle transformation !

Ce Pierre rougissant devant cette femme qui le dévisageait comme disciple de Jésus, allant même à affirmer par trois fois qu’il ne le connaissait pas.

Ce même Pierre, le voilà s’adressant aux juifs vivant hors de Palestine, avec détermination. Il n’a plus peur.

Il a complètement investi sa mission d’apôtre de Jésus Christ ! Quelle transformation ! Il a pris conscience, animé par l’Esprit, que désormais il est devenu une pierre essentielle dans la construction de l’Eglise instituée par son maître. Une pierre essentielle certes mais à condition de s’appuyer sur la pierre rejetée par les bâtisseurs et qui est devenue la pierre d’angle, une pierre d’achoppement, mais un rocher sur lequel on peut se baser, qu’est le Christ.

A la suite de Pierre, nous sommes devenus, de par notre Baptême et notre Confirmation, des pierres vivantes de l’Eglise de Jésus Christ.

Le 15 Avril 2019, a eu lieu le terrible incendie qui a détruit en partie Notre Dame de Paris. Si l’émotion a été si forte pour les parisiens, les français et même le monde entier, c’est que cette cathédrale représentait plus qu’une belle construction, commencée dans les années 1164.

Notre Dame de Paris évoque dans l’esprit de tous cette lignée d’artisans qui ont mis toute leur foi dans l’édification de ces chefs d’œuvre. Pour les chrétiens, Notre Dame de Paris, comme toutes les églises du monde, représente ces pierres vivantes que sont tous les baptisés. Cette Eglise est vivante car elle est animée par l’Esprit du Christ qui l’accompagne tout au long de son histoire, avec ses hauts et ses bas.
C’est l’Eglise qui a dû se remettre en question au fil des siècles ; cette Eglise qui, sans cesse, a cherché à s’adapter aux besoins des humains pour annoncer la Bonne Nouvelle.

Dès les premiers siècles, les apôtres ont « inventé » le diaconat (1ère lecture de ce dimanche) pour porter une plus grande attention aux veuves (qui étaient, à cette époque, dans une situation de grand dénuement, n’ayant pas de statut autonome) et pour permettre aux douze de s’investir pleinement dans le service de la Parole de Dieu. On peut espérer que l’Eglise continuera à inventer de nouveaux ministères pour faire vivre l’assemblée des pierres vivantes et faire entendre la voix du Christ à travers les nouveaux besoins des hommes de ce monde.

Cette Eglise, au fil des siècles, n’a eu de cesse de nourrir le peuple de Dieu en la proclamation de la Parole et par les sacrements.

Les sacrements, justement, sont des moyens que le Christ a laissé à ses disciples pour entretenir sa présence parmi eux. Ils sont des signes sensibles institués par lui pour permettre et entretenir sa relation avec ses disciples.

A y regarder de près, chaque sacrement, en particulier les trois sacrements de l’Initiation Chrétienne que sont le Baptême, la Confirmation et l’Eucharistie, mettent en œuvre nos cinq sens :

Le Saint Chrême (l’odeur)
Le pain et le vin (le goût)
Le cierge (la vue)
L’eau (le toucher)
Les lectures proclamées (l’ouïe)

Cela n’est pas anodin que Jésus ait voulu célébrer le repas de la Cène juste avant d’annoncer son départ. Manifestement, son intention était de signifier aux apôtres que, désormais, pour faire l’expérience de sa présence, ils devraient se réunir pour faire mémoire de Lui : mémoire au sens fort, c’est-à-dire non pas un vague souvenir mais une réactualisation.

L’Eucharistie est devenue « le lieu » où le chrétien peut faire l’expérience de la présence corporelle du Christ à travers le signe du partage du pain et du vin : « chaque fois que vous ferez cela, vous le ferez en mémoire de moi ».

Mes amis, dans quelques semaines, nous espérons pouvoir de nouveau nous réunir pour célébrer ensemble le repas du Seigneur. Entretenons en nous ce désir de rencontrer le Christ par la prière, la méditation de sa parole et le désir de nous nourrir de son corps et de son sang ; réveillons en nous cette conscience d’être des pierres vivantes de l’édifice construit par le Christ et animé par l’Esprit Saint. AMEN

Jean Yves Lecamp

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