Dans l’Evangile de ce 4e dimanche de Pâques, Jésus utilise deux images très fortes : celle du berger et celle de la porte.
L’image du berger est bien connue dans la Bible. Elle revient avec une cohérence étonnante dans la liturgie de ce jour. Nous avons chanté avec le Psaume : « Le SEIGNEUR est mon berger ». Et nous avons entendu Pierre dans la deuxième lecture : « Vous étiez errants comme des brebis ; mais à présent vous êtes retournés vers votre berger, le gardien de vos âmes ». Pierre désigne bien sûr Jésus comme ce Bon Berger, celui qu’il annonce et en qui il appelle à se faire baptiser dans la première lecture : « Convertissez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus Christ ».
Jésus dans l’Evangile ne se présente pas encore comme le berger : il le fera immédiatement dans la suite du chapitre 10 de Jean, que nous ne lisons pas cette année. « Je suis le Bon Pasteur ». Au début du discours, que nous avons lu, il dresse les portraits opposés de deux bergers : le voleur, l’étranger, celui dont les brebis ne connaissent pas la voix ; et le pasteur, le berger, celui que les brebis vont au contraire écouter. Bien sûr, on comprend que c’est lui-même, ce Bon Berger.
« Les brebis écoutent sa voix. Ses brebis à lui, il les appelle chacune par son nom ». Voilà comment on reconnaît le Bon Berger : au lien qu’il a su établir avec ses brebis, à la connaissance mutuelle.
Voilà une note importante pour nous, aujourd’hui : dans le concert des voix qui nous appellent, comment reconnaître celle du Bon Pasteur ? A la connaissance intime de chacun, au souci qu’il a de notre bonheur. « Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer ».
C’est un bon critère à utiliser dans la vie de la cité, tout particulièrement dans la période de crise que nous traversons. Pas facile d’être un ‘’bon berger’’ en pleine pandémie. Pas facile de trouver un juste équilibre entre tous les besoins des brebis dont nos responsables ont la charge : préserver la santé, garantir la sécurité, protéger les plus fragiles, conserver les liens sociaux et familiaux, soutenir l’activité économique… Il faudrait pouvoir concilier les inconciliables… impossible. Alors nos bergers naviguent à vue, prenant des décisions que les brebis que nous sommes ont parfois bien du mal à comprendre, à accepter. Il n’y a pas de bonne solution, en ce moment, et je me garderais bien ici de juger les mesures qui nous sont imposées ou proposées !
Alors prions pour les bergers de nos cités, et gardons quand même ce critère de la connaissance et de la reconnaissance pour évaluer leurs décisions : qu’elles soient toujours prises avec un vrai souci de préserver la vie de chacune des brebis, surtout les plus fragiles… ce qui suppose ce lien de connaissance et de confiance réciproques.
Et puis, chacun de nous n’est-il pas aussi un peu berger à sa façon, dans sa famille, dans son entreprise, son association, son école, son quartier ? Demandons donc au seul Berger de nous apprendre à être nous aussi de vrais bergers de nos frères.
Le même critère, celui de la connaissance et de la reconnaissance, peut être appliqué bien sûr dans la vie de notre Eglise. Sachons donc écouter la voix de ceux parmi nous que nous reconnaissons comme nos bergers, par la mission qui leur a été confiée. Et n’oublions pas de continuer à prier pour l’évêque que nous attendons, comme pasteur de notre diocèse.
Vous avez entendu comme moi cette semaine les protestations de nos évêques. Ils regrettent que le gouvernement n’ait pas pris en compte leur demande de reprendre la célébration de la messe dès la sortie du confinement. On comprend leur déception, et l’argumentation théologique qui l’accompagne. Le christianisme est la religion de l’incarnation : nous avons besoin de retrouver nos rassemblements communautaires et la vie sacramentelle. « Ce n’est pas l’eucharistie qui transmet le coronavirus », a déclaré Mgr Éric de Moulins-Beaufort, le président de la conférence des évêques de France. Il admet bien sûr que les précautions sanitaires sont indispensables pour lutter contre l’épidémie, et que les communautés chrétiennes continueront à y prendre toutes leurs responsabilités. Certains prêtres commencent à envisager des messes privées, célébrées à domicile. L’idée est sympathique, et peut répondre à des besoins… Mais n’introduit-elle pas le risque d’un catholicisme à deux vitesses, certains ayant droit à la messe, et d’autres pas ? Soyons francs : nos évêques craignent aussi que tout le monde ne retrouve pas le chemin de l’Eglise, après le déconfinement…
Parmi toutes les voix qui s’élèvent en ce moment dans l’Eglise sur ce sujet, écoutons celle de notre Pape François, qui nous invite à prendre un peu de recul : « En ce moment, alors que nous commençons à avoir des dispositions pour sortir de la quarantaine, prions le Seigneur de donner à son peuple, à nous tous, la grâce de la prudence et de l’obéissance aux dispositions, afin que la pandémie ne revienne pas ». Sachant que quand François parle de la vertu de prudence, cela ne veut pas dire frilosité, mais clairvoyance et prévoyance. Et il insiste toujours sur une autre vertu chrétienne, à vivre encore plus fortement en ce temps de pandémie : la charité. Elle nous invite en ce moment à poursuivre la quarantaine liturgique et sacramentelle, pour protéger la santé et la vie de nos frères. Et à ne pas oublier ceux dont la situation est rendue encore plus difficile avec la crise. Soyons tous les bergers de nos frères !
« Moi, je suis la porte », nous dit encore Jésus. C’est la seconde image de l’Evangile. Elle prend une résonance très forte en temps de confinement.
Nous avons réappris la signification d’une porte ouverte ou fermée, qui n’est pas seulement physique, matérielle, mais qui représente aujourd’hui à la fois une protection et une barrière. Nous attendons la fin du confinement comme une porte ouverte sur un peu de liberté retrouvée : liberté d’aller et venir, liberté de reprendre nos activités, liberté surtout de retrouver ceux que nous aimons.
Jésus, le Bon Berger, mais aussi le vrai libérateur. Avec Jésus, pas besoin d’autorisation dérogatoire de déplacement ! « Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé ; il pourra entrer ; il pourra sortir et trouver un pâturage ».
Même déconfinés, serons-nous pour autant libérés ? Sans doute pas, si nous replongeons aussitôt dans nos vies trop remplies de tout ce qui n’est pas essentiel. Cette période si particulière aura je l’espère été l’occasion de nous recentrer un peu sur ce à quoi nous tenons vraiment, ce qui donne sens et goût à notre vie, et qui parfois nous aura manqué. De vivre aussi notre foi un peu différemment, en famille, en couple, en profondeur. Ne refermons pas trop vite la parenthèse, reprenant nos vieilles habitudes en gardant au fond du cœur le sentiment un peu nostalgique qu’une autre vie est possible.
Passons par Jésus, la Porte et le Berger. Entrons et sortons par Lui : « Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre ». Et faisons par tous les moyens entendre sa voix, pour donner à nos frères l’envie de passer à nouveau la porte de nos églises, après le confinement.
« Moi, je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance ».
Amen, Alléluia !
Loïc LAINE, 3 mai 2020
Evangile : Jn 10, 1-10 « Je suis la porte des brebis »
Première lecture : Ac 2, 14a.36-41 »Dieu l’a fait Seigneur et Christ »
Psaume 22 : Le Seigneur est mon berger
Deuxième lecture : 1 P 2, 20b-25 « Vous êtes retournés vers le berger de vos âmes »
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.